- N'osant retourner à Evran, où
l'exercice de celui-ci lui semblait impossible, il
demeura dans sa paroisse natale où il trouva
souvent un généreux asile au manoir du
Moulin-Tizon, que continuaient d'habiter, malgré
mille dangers menaçants, M. et Mme de
Bedée. Le premier, ALEXIS-LOUIS DE BEDÉE,
était né à Henanbihen, dans les
Côtès-du-Nord actuelles, le 21
février 1739, du mariage de
François-Claude, seigneur de la
Ville-ès-Galloux, en Ploubalay, et de
Fiançoise-Pélagie Rogon de Lorgerie. Il
avait épousé, avant 1771,
FRANÇOISE-THÉRÈSE BRUNET,
née, croyons-nous, à Pluduno, de
François-Marie Brunet, seigneur du tonnement de
Montauban et se dirigeait du côté de
Landujan. Aux tait la Ville-Robert, en Pluduno, le 7
août 1729.De Landujan, M. Tostivint
répandait les bienfaits de son zèle sur les
paroisses avoisinantes : Ses enfants spirituels d'Evran,
rapporte l'abbé Carron venaient le trouver sur les
confins de la paroisse de Plouasne, et là, leur
saint ami leur procurait le bonheur d'approcher des
sacrements. II réussit même avec son
frère, prêtre caché comme lui, et
plusieurs autres confrères, .à
célébrer solennellement au milieu de la
nuit la procession de la Fête-Dieu dans le parc du
château du Lou, sis en la paroisse de la
Chafelle-du-Loù. (Manusc. de
l'abbé Guihard, reproduit par Guillotin de Corson
dans ses Confesseurs de la Foi.)
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- On conçoit combien de pareilles
.manifestations étaient dangereuses à cette
époque. Aussi, est-il étonnant que
l'abbé Tostivint ait pu se livrer
impunément à tant de zèle durant
l'année 1793 et la première partie de 1794,
alors que les têtes des prêtres
fidèles et celles de leurs receleurs
étaient mises à prix. " Mais un jour du
mois de juillet, revenant de voir un malade, raconte M.
Carron, Tostivint arriva vers les dix heures du soir au
Moulin-Tizon, puis, après avoir entendu quelques
confessions, il se retira pour se reposer dans une cabane
sise dans le jardin qui lui servait de lieu de retraite.
Malheureusement, il avait été vu, reconnu
et dénoncé par un individu auquel ce bon
prêtre avait fait faire jadis sa première
communion. Aussi, dès les premières lueurs
de l'aurore, le manoir de M. de Bedée fut-il
cerné par un détachement de la garnison de
Montauban, chargé d'appréhender M.
Tostivint.
- Voici, résumé par M. l'abbé
Arsène Leray, le procès-verbal de
l'arrestation de cet ecclésiastique,
d'après la pièce originale, qu'il nous a
été impossible de retrouver aux Archives
d'Ille-et-Vilaine :
- " Le 26 messidor an II (14 juillet 1794), à
une heure du matin, Vannier, sergent-major, partait avec
toute la troupe composant le cantonnement de Montauban et
se dirigeait du côté de Landujan. Aux
limites de cette commune, il divisa sa compagnie en deux
colonnes, dont l'une, chargée de cerner le manoir
du Moulin-Tizon, pénétra tout à la
fois dans la cour et dans le jardin, au grand effroi du
châtelain, M. de Bedée, qui, sans prendre le
temps de se vêtir, tenta de se sauver en s'enfuyant
en chemise par une fenêtre. Effort inutile, du
reste, car il fut immédiatement
arrêté." Dans le potager, un autre individu
sortit précipitamment de la cabane du jardinier et
se glissa dans un carré de choux. Mais un
"volontaire" le rejoignit sans peine et, aux "marques de
l'ancienne superstition qu'il portait sur lui", le
reconnut comme prêtre. Du reste, dans le
réduit qu'il habitait, se trouvaient "une veste
dans laquelle était un bréviaire, et divers
autres livres, une boëte en argent dans laquelle il
y avait de l'huile et du coton et sur laquelle
était écrit Oleum infirmorum, un
passeport au nom de Julien André,
délivré à la Chapelle du Lou le 10
messidor et signé OL. Martin, maire, Demai, agent
national, Trébouville, secret, greffier,
Tostivint, offic. municip.
- Avec les deux prisonniers, Vannier se rendit au bourg
de Landujan, traversa Irodoüer, la Chapelle du Lou
et rentra vers 4 heures du matin à Montauban. Dans
la journée, le juge de paix leur fit subir un
interrogatoire, puis les fit envoyer au district de
Montfort. Ils furent de nouveau interrogés dans
cette ville, le 15 juillet 1794, par Pierre Bon Alliou,
délégué à cet effet par les
autorités de cette localité. Si
réservées que fussent les réponses
de l'abbé Tostivint, il avait
entraîné dans sa perte celle de son
hôte, M. de Bedée. Leurs deux arrestations
avaient été simultanées. Le premier
était prêtre réfractaire, le second
était coupable de lui avoir donné asile.
Deux crimes irrémissibles à cette
époque. M. de Bedée fut donc emmené
à Montfort à la suite de M. Tostivint, et
questionné à son tour.
- Le cas de l'abbé Tostivint et de M. de
Bedée était clair aux yeux des
Révolutionnaires. La délibération
des administrateurs du district de Montfort ne fut pas
longue à leur endroit. Arrêtés l'un
et l'autre le lundi matin, on leur fit subir le lendemain
les interrogatoires. Puis, le jour même, on
décida de les renvoyer devant le Tribunal criminel
d'IIle-et-Vilaine.
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