- M. Tostivint et M. de Bedée étaient
à vrai dire perdus, du fait de leur transfert aux
prisons de Rennes. Mais cela ne suffisait pas à la
félicité des administrateurs du district de
Montfort. Mme de Bedée, seule et éploree,
était restée au Moulin-Tizon. Pour que la
joie fût complète, il fallait que sa
tête rejoignît sur l'échafaud celles
de son mari et de l'ancien précepteur de ses
enfants. On envoya donc, le mercredi 16 juillet, toute
une expédition avec mission de poser les
scellés au manoir du Moulin-Tizon et
d'arrêter la châtelaine.
- Elle dut cependant suivre de près cette
première opération, puisque le lendemain,
Françoise Brunet comparaissait comme
prisonnière devant le district de Montfort et y
subissait un long interrogatoire. On verra par le compte
rendu qui nous en est resté que, si M. et Mme de
Bedée étaient abondamment pourvus de fiches
dans les cartons du district, le zèle des
dénonciateurs sans-culottes s'était en
particulier exercé contre la châtelaine du
Moulin-Tizon.
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- Les multiples griefs invoqués contre elle ne
pouvaient lui laisser d'illusion sur le sort qu'on lui
réservait. Vingt-quatre heures après son
l'interrogatoire, on envoyait Mme de Bedée
rejoindre son mari et l'abbé Tostivint dans les
prisons de Rennes, où elle fut
écrouée le Ier thermidor an II (19 juillet
1794) avec l'abbé Chilou. Voici la lettre par
laquelle on annonçait son arrivée à
l'accusateur public :
- Montfort-la-Montagne, 30 messidor, an II de la
République une et indivisible (18 juillet
1794).
- Le substitut, délégué national
du district de Montfort, à l'accusateur public
près le Tribunal criminel à Rennes. Je
t'adresse, citoyen, le nommé Chislou,
prêtre, François Louessard, receleur du dit
prêtre, et la Bedée, femme Bedée du
Moulin-Tizon, dont son mari est incarcéré
pour avoir recelé chez lui Tostwint prêtre,
que je t'ai envoyé il y a trois jours. Tu
trouveras d-joint les interrogatoires de ces trois
individus, de tout quoi tu voudras bien m'accuser
réception.
- Salut et fraternité. " Signé :
ALLIOU.
- Les juges de Rennes devaient attendre
l'arrivée de Mme de Bedée pour instruire
l'affaire de son mari et de l'abbé Tostivint. Elle
présente, la fournée était au
complet. On commença donc aussitôt. Au
reste, se conformant à la loi, les tribunaux
à cette époque ne faisaient pas
traîner : un interrogatoire pour s'assurer de
l'identité des prévenus, quelques questions
pour la forme sur les principaux griefs qu'on reprochait
aux accusés, et la conscience des juges se
trouvait suffisamment éclairée pour
pouvoir, loi en mains, condamner, à la peine
capitale.
- C'est ce qui se passa pour l'abbé Tostivint et
ses deux généreux receleurs. M. Tostivint
déclara n'avoir pas prêté le serment
constitutionnel. Quant au reste des charges qu'on lui
imputait, il les nia, sans doute pour ne pas fournir de
nouveaux griefs aux révolutionnaires contre ses
co-accusés et tâcher de les soustraire
à la mort. Le chanoine G. de Corson écrit
que M. de Bedée, comptant encore sur la conscience
des juges, rédigea dans sa prison un long
mémoire justificatif de sa conduite. De leur
côté, le conseil municipal et le
comité de surveillance de Landujan
signèrent à l'unanimité
d'énergiques réclamations en faveur de
leurs compatriotes "qui n'avaient cessé de
rehausser le plus loyal patriotisme par les plus
généreux bien-faits (1) ". Mais tout fut
inutile. Le siège des juges était fait
à l'avance. Aussi, dans son audience du 7
thermidor an II, le Tribunal criminel d'Ille-et-Vilaine
condamna-t-il les trois prévenus à la peine
de mort.
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